Un métier de passion menacé par l’IA
Avec les progrès rapides de l’intelligence artificielle générative, il est désormais possible de créer des vidéos avec des voix synthétiques étonnamment réalistes. Cependant, ces voix manquent souvent de la profondeur et de l’émotion qu’un comédien de doublage humain peut apporter. Brigitte Lecordier, voix emblématique de personnages comme San Goku et San Gohan dans Dragon Ball, a exprimé ses préoccupations lors de la Japan Expo 2024. « C’est un vrai combat qui n’est pas que pour nous. C’est pour tous les artistes, quels qu’ils soient. Il faut légiférer », a-t-elle déclaré.
Les limites de l’IA dans le doublage
Bien que les voix générées par l’IA puissent impressionner par leur précision technique, elles manquent souvent de la vitalité et de l’émotion nécessaires pour véritablement toucher les auditeurs. La différence de qualité est particulièrement notable entre les voix originales japonaises des anime et leurs doublages en anglais, français ou espagnol. « Imaginez une Japan Expo avec que des robots qui viennent signer des autographes, ce serait horrible. Pour l’instant, on a envie de travailler », insiste Brigitte Lecordier.
Un outil, pas un remplacement
Il est crucial de considérer l’IA comme un outil complémentaire plutôt qu’un remplacement des comédiens de doublage. Les voix synthétiques actuelles sont encore loin de pouvoir reproduire les discours avec la même intensité et émotion que celles de comédiens comme Benjamin Pascal, la voix française de Ragnar Lothbrok dans la série « Vikings ». La passion et le talent des comédiens de doublage se transmettent à travers l’écran, offrant une expérience unique que l’IA ne peut pas encore égaler.
La lutte pour la reconnaissance et la protection
Le collectif « Touche pas à ma VF » défend plus de 15 000 emplois menacés par l’IA, soulignant l’importance de protéger cette profession précaire. « Il faut que l’on se demande quelle société on veut pour nos enfants, » déclare Lecordier, « est-ce qu’on veut une société gérée par des robots, ou la voix d’un comédien qui va raconter des belles choses et nous émouvoir. »
Un appel à légiférer
La France, connue pour son exception culturelle et la qualité de ses doublages, doit légiférer pour protéger cette industrie. « En ce moment, je travaille sur La petite mort de Davy Mourier, c’est un vrai bonheur. Je travaille avec l’auteur, avec le réalisateur, c’est un vrai échange, on invente, et ça, l’IA ne peut pas le faire, » explique Brigitte Lecordier.
Une reconnaissance nécessaire pour un métier exigeant
Les comédiens de doublage, avant tout des artistes passionnés, méritent une reconnaissance à la hauteur de leur talent. Comme tout métier artistique, il n’est pas facile d’obtenir un salaire stable et satisfaisant. « Quand on est sur un dessin animé, un film, on gagne bien sa vie, mais on ne la gagne pas tous les jours », souligne Lecordier. Protéger cette profession, c’est aussi préserver une partie de notre patrimoine culturel et garantir que les histoires continuent de nous toucher profondément, racontées par des voix humaines.